Années cinquante; dans les environs de Dakar; la nuit est tombée ; l’enfant court, les yeux embués de larmes, les joues cuisantes des gifles qui l’ont jeté à terre. Il trébuche contre une pierre, tombe, gémit de son genou à la peau déchirée. De gros sanglots secouent sa poitrine ; il regarde derrière lui les lumières chaudes de sa maison et ses pleurs deviennent ruisseaux sur la lave de ses joues alors que dans sa tête hurle encore la voix de son père fou de rage : « Fous le camp ! ramène-moi ce carnet de notes ! » Il revoit aussi sa Mamie et sa sœur en larmes, serrées l’une contre l’autre. Ah oui, ce carnet, ce cauchemar, cette honte qu’il a caché dans son pupitre pendant plus de quinze jours par peur de la colère paternelle : 6/20 en Histoire, 4.5/20 en arithmétique, 9 en géo, 15 en Français mais c’est tout ! Les larmes ont cessé ; l’enfant se met debout, essuie de la main les gravillons collés à son genou en sang. Derrière, les lumières de la villa, et là, le goudron tiède de la route qui va à Dakar, à vingt kilomètres ; son école est là-bas ; y aller, récupérer le carnet de notes, sinon…Le vent marin le fait frissonner ; ciel infini clouté d’étoiles. De la main il essuie la morve qui lui chatouille la lèvre ; aller…
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